Taubira, Kyenge et nous…

Déc 09, 2013 A MON AVIS 4

---

Depuis la nuit des temps, on l’a dénoncé, vilipendé, mis au pilori, condamné, voué aux gémonies… mais il est toujours là. Et aujourd’hui encore, alors que Nelson Mandela reste le témoignage de la lutte contre un système qui consacrait la suprématie d’une race sur une autre, et que Barack Obama a réalisé quelque peu le rêve du pasteur Martin Luther King, ne voilà-t-il pas que le racisme nous montre à nouveau le visage hideux de ses ignobles manifestations ?

En plein siècle des droits de l’Homme et de l’émancipation des mœurs, à l’époque formidable où les technologies de l’information et de la communication ont galvanisé l’interpénétration des peuples, il s’en trouve encore, en Europe, des nostalgiques — à moins qu’il ne s’agisse d’incultes demeurés au seuil de l’histoire humaine — pour cultiver le racisme dans le jardin de leur ignorance.

Les insultes racistes qui se sont multipliées ces derniers temps contre la ministre française de la Justice, la traitant de « guenon », tout comme cet imaginaire animalier autrefois ressassé par des personnes qui n’existaient que par le mépris du Noir — du Nègre — sont en effet à condamner avec la dernière énergie. Non pas seulement parce que Christiane Taubira est la garde des Sceaux de la République française, cette République qu’elle a admirablement servie et dont elle porte les valeurs, telle une ambassadrice, aux confins du monde. Mais aussi et surtout parce que, simplement, et c’est le bon sens même, de tels écarts sont attentatoires à la dignité humaine.

Insidieusement ou de façon patente, des actes de racisme s’accomplissent au quotidien et commencent gravement à faire recette dans la sphère politique européenne. Première femme noire à entrer dans un gouvernement en Italie en qualité de ministre de l’Immigration, Cécile Kyenge, originaire de la RD Congo, a essuyé, il n’y a pas longtemps, les quolibets racistes de responsables politiques qui ne semblent pas avoir compris que c’est justement parce qu’il a des touches noires et blanches que le piano réussit à produire de la bonne musique ! Heureusement, à l’initiative de Joëlle Milquet, vice-Première ministre et ministre de l’Intérieur et de l’Egalité des chances du Royaume de Belgique, dix-sept pays européens ont adopté, le 23 septembre dernier, la « Déclaration de Rome » pour ne serait-ce que mettre le holà.

Si de telles initiatives n’aboliront pas le racisme comme par enchantement, elles ont au moins le mérite d’être tentées et de montrer, au-delà de tout, qu’il existe un cadre normatif et juridique quant à l’exercice des droits et devoirs de chaque être humain.

Il est cependant important de noter que Christiane Taubira et Cécile Kyenge ne sont pas — loin de là ! — les seules à subir ces infamies. Tant et tant de personnes souffrent en silence de cette torture morale qu’il faut absolument extirper de nos sociétés. Les partis extrémistes, qui excellent à nouveau dans ce genre de propos, pensant devoir renvoyer les « guenons » à leur « bananeraies africaines » n’ont décidément rien appris de l’Histoire. Mieux, ils ne connaissent pas l’Afrique, qui rayonne et avance, celle qui apporte chaque jour une ineffable contribution à la civilisation de l’universel.

Non, vraiment, ils n’ont jamais entendu parler de ces nombreux Africains sans le travail desquels leurs petites vies tranquilles ne seraient que douleur et désastre.

© Notre Afrik N°39, Décembre 2013

---

---

---