L’idée d’écrire le présent éditorial, sous la forme inhabituelle d’une véhémente interpellation, nous est venue suite à deux évènements survenus courant mars. Le premier, la 17e Conférence mondiale « Tabac ou santé », qui a rassemblé plus de 3000 experts de la lutte contre le tabac, au Cap, en Afrique du Sud. L’une des conclusions du dernier Atlas du tabac publié à cette occasion le 8 mars indique que « L’industrie du tabac vise délibérément » les pays d’Afrique. Trois raisons principales expliquent cette offensive sur le continent. La structure et les perspectives démographiques de l’Afrique, plus de 4 milliards d’habitants à l’horizon 2100, dont plus de 40% de moins de 15 ans, et 70 % de moins de 30 ans, notamment en Afrique sub-saharienne. Autant dire que l’Afrique est le marché de l’avenir, le futur Eldorado des l’industrie du tabac, si rien n’est fait pour la stopper.
Puis il y a la saturation des marchés ailleurs, consécutive au déclin ou à la stagnation démographique, mais aussi et peut-être surtout, la dureté sans cesse croissante des législations anti-tabac sur les autres continents. Et c’est ici qu’apparaît la troisième raison qui fait l’objet de notre interpellation, l’absence ou la faiblesse de la lutte contre le tabac, et pire, la connivence de certains dirigeants africains avec les cigarettiers.
Exemples à l’appui, la Conférence du Cap a une fois de plus mis en lumière ces connivences qui permettent aux cigarettiers de bloquer ou d’influencer négativement les lois anti-tabac dans certains pays africains, ou d’en empêcher la mise en application lorsque ces lois sont votées pour calmer l’opinion.
Des connivences similaires, second objet de notre interpellation, ont été mises en évidence, courant mars également, au Benin, à l’occasion du premier procès d’envergure pour trafic de faux médicaments en Afrique. Un procès qui a vu comparaître entre autres des responsables de grandes sociétés pharmaceutiques béninoises, de l’Agence nationale des approvisionnements en médicaments ou encore le chef d’un service du ministère de la Santé.
Faut-il rappeler que selon l’OMS, un médicament sur 10 dans le monde est une contrefaçon, et qu’en Afrique ce chiffre monte à 7 sur 10, avec un bilan de 100. 000 morts par an sur le continent ? Les statistiques de l’OMS sont tout autant inquiétantes au sujet du tabagisme dont une explosion est prévue en Afrique à l’horizon 2025, c’est-à-dire demain. Mais déjà aujourd’hui, 24% de la population africaine (21% d’hommes et 3% de femmes) fument, et 50% sont exposés à la fumée du tabac dans les lieux publics. Le tabac est la deuxième cause de mortalité avec 7 millions de victimes par an, un chiffre en constante évolution.
Le bilan est encore plus désastreux, si l’on tient compte des maladies et autres cancers résultant aussi bien des faux médicaments que du tabagisme. Les sociétés les plus nanties ne parviennent déjà plus à faire face aux dépenses de santé qu’engendrent ces deux fléaux, d’où la lutte de plus en plus acharnée qu’elles leur mènent.
Comment dès lors comprendre que l’Afrique, qui ne parvient déjà pas à fournir à ses citoyens le minimum vital, logement, nourriture, eau, électricité, puisse se permettre quelque complaisance et connivence avec les responsables de tels fléaux ? Comment comprendre qu’elle puisse ainsi exposer sa jeunesse, son principal atout et son avenir, à un destin aussi sinistre ?
Déjà condamnée à la débrouillardise et à l’errance migratoire, faute de pouvoir bénéficier des ressources du sous-sol et désormais du sol, la jeunesse africaine ne saurait devenir la monnaie de change d’un commerce aussi macabre. Rien, mais vraiment rien, ne peut justifier de telles connivences, que l’on peine d’ailleurs à qualifier, tant le terme « criminel » demeure, en raison de sa généralité et de sa banalisation, largement en deçà la gravité qu’elles recouvrent, et impropre à la traduire.
A défaut de lui assurer un présent viable, est-ce trop demander à nos dirigeants d’épargner à notre jeunesse un avenir invivable ? Il est de notre responsabilité et de notre devoir de citoyen, de parti politique, d’ONG ou d’associations diverses, etc. d’interpeller le plus vivement nos dirigeants à ce propos. Il y va autant de notre devoir envers nos jeunes, de les sensibiliser quant à la gravité des enjeux en cours.
Les réseaux sociaux, – une fois n’est pas coutume-, nous offrent à cet égard un formidable canal, une facilité inédite, pour sauver notre jeunesse des marchands de la mort et de leurs macabres alliés, disséminés ci et là, dans nos institutions et structures censées pourtant promouvoir la vie…
© Notre Afrik N°78 Mai-Juin 2018
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