Oct 03, 2013 FACON DE VOIR 5
En dehors des cercles illuminés qui ont la prétention d’écrire a priori l’histoire de l’avenir, personne n’aurait parié, il y a quelques années seulement, que le Mali en serait là aujourd’hui, tant le pays apparaissait comme un des fleurons de la renaissance démocratique sur le continent. Mais voilà, 2012 aura été pour les Maliens, non pas l’an de grâce, mais plutôt du coup de grâce à une démocratie de façade, dont la vitrine a finalement explosé à la face du monde, à coups de rébellions et de coup d’Etat militaire.
Face à l’avancée des mouvements rebelles lourdement armés qui menaçaient de marcher sur Bamako, la capitale, le président malien par intérim, Dioncounda Traoré, dût se résigner, le 9 janvier dernier, à appeler la France au secours. Deux jours plus tard, en s’appuyant notamment sur la Résolution 2085 (2012) du Conseil de sécurité des Nations unies, Paris déclenchait l’«Opération Serval» dont les objectifs officiels sont notamment d’«arrêter l’agression terroriste», de «protéger Bamako où résident quelque 6 000 ressortissants français», puis de «permettre au Mali de recouvrer son intégrité territoriale».
On pourrait indéfiniment louer le caractère salvateur de cette intervention, ou a contrario s’appesantir sur sa dimension purement intéressée, au regard des multiples autres urgences tout aussi dramatiques sur le continent, à l’instar de l’holocauste silencieux qui se poursuit en République démocratique du Congo, avec officiellement plus de six millions de morts à ce jour. On pourrait tout aussi légitimement craindre un risque d’enlisement comme en Afghanistan, eu égard aux difficultés classiques d’une armée régulière à combattre une guérilla; et donc s’interroger quant à la capacité de cette guerre à résoudre un problème qui est avant tout social et politique: le séparatisme touareg.
Mais à l’heure où partout ailleurs dans le monde, la tendance est à la formation des blocs régionaux économiquement et militairement solides, ce qui frappe le plus dans le cas malien, c’est l’incapacité de tous les Etats voisins à endiguer la déstabilisation de ce pays.
Le problème n’est pas tant que ce soit un pays non africain qui vienne tenter de «sauver» le Mali. Car la France elle-même n’est pas moins importatrice de sécurité, puisqu’en la matière, elle repose structurellement sur l’oreiller américain. Le problème de fond, que relevait déjà Cheikh Anta Diop, réside plutôt dans cette sorte de cancer négrophage qui mine le Pusillus grex (petit groupe) qui dirige l’Afrique noire, à savoir l’aliénation politique. Elle se traduit notamment par l’extraversion des centres d’intérêt, et donc par l’incapacité à saisir l’urgence de construire un dispositif de défense commune suffisamment dissuasif, et seul capable d’endiguer structurellement et durablement les conflits fratricides en même temps que l’impérialisme qui étouffent notre développement. Car ce que nous refusons de mettre dans la construction d’une défense commune, nous le payons infiniment plus de nos ressources, et donc de notre sous-développement chronique, chaque fois que nous importons ou croyons importer notre sécurité.
C’est pourquoi la relecture des Fondements économiques et culturels d’un Etat fédéral d’Afrique noire de Cheikh Anta Diop nous paraît aujourd’hui d’un intérêt primordial pour notre continent. En témoigne ces quelques lignes dont l’actualité impose plus que jamais la restitution et la méditation: «La sécurité précède le développement… Un continent qui ne peut assurer sa propre sécurité militaire, qui ne contrôle pas en particulier son espace atmosphérique et cosmique, n’est pas indépendant, et ne peut pas se développer.» Même l’égoïsme le plus lucide, précisera-t-il, enjoint nos dirigeants à œuvrer dans le sens d’une fédération des forces, il y va de notre émancipation et de notre émergence.
Y a-t-il meilleur plaidoyer pour que soit enfin sérieusement enclenché le processus d’émergence d’un véritable dispositif de défense africain?
Puisse donc le cas malien servir d’accélérateur de conscience, pour que tous ceux qui en ont le pouvoir œuvrent enfin à nous sortir de l’âge de l’enfance militaire et politique, où notre croissance semble s’être résolument arrêtée.
© Notre Afrik N°30, Février 2013
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