Ancienne députée, elle a rompu, en 2010, avec le Parti démocratique gabonais, — au pouvoir — après s’être opposée à une révision constitutionnelle qui octroyait plus de pouvoirs au président de la République. Avocate, défenseur des droits de l’Homme, Paulette Oyane Ondo est aujourd’hui l’une des grandes figures de la société civile gabonaise. Elle est notamment administrateur provisoire de la section gabonaise de la coalition Publiez ce que vous payez (*).
Notre Afrik : Vous consacrez désormais beaucoup de temps à la défense des droits de l’Homme. Avez-vous renoncé à la politique ?
Paulette Oyane Ondo : Je fais aujourd’hui ce que j’aime et que j’ai toujours voulu faire. Je travaille dans le domaine des droits de l’Homme, de la démocratie, de la gouvernance et des élections… On peut difficilement faire plus politique. Ce n’est pas parce que je ne me suis pas présentée aux dernières élections locales que j’ai renoncé à la politique.
Bien au contraire, je me suis créé une place dans l’espace public gabonais, et que je crois être la seule à l’occuper à ce jour. Je ne suis pas enfermée dans un cadre partisan ; j’ai par conséquent la latitude et la liberté de donner de la voix sur tout ce qui se passe dans la vie publique. C’est même maintenant que je fais de la politique, bien que ce ne soit pas au sens politicien, mais plutôt au sens originel de la gestion de la cité.
Est-ce aussi le système électoral, jugé favorable aux irrégularités par une partie de l’opposition, qui motive votre retrait partiel ?
Le système n’est pas fiable. La biométrie a été introduite parce qu’elle était censée garantir la fiabilité du processus électoral, mais le régime politique, qui tient les rênes du pays depuis plus de 50 ans, a refusé de recourir aux moyens techniques utilisés dans le cadre de la confection de la liste électorale pour l’authentification des électeurs. Ce qui permet toutes sortes de manipulations, surtout que les structures et les acteurs chargés de l’organisation des élections restent les mêmes. Et comme on dit, « les mêmes causes produisent les mêmes effets ».
L’introduction de la biométrie montre quand même qu’il y a une volonté politique d’organiser des élections démocratiques…
Le seul fait d’organiser les élections n’est pas un gage de démocratie, car un système électoral qui ne garantit pas la possibilité d’une alternance politique ne peut être qualifié de démocratique. Les conditions de transparence ne sont pas réunies, notamment le découpage électoral qui est très inégalitaire dans le pays et qui défavorise les localités géographiquement les plus peuplées et les plus étendues par rapport aux autres.
C’est pour cette raison que vous avez renoncé à vous représenter ?
Je ne me suis pas retirée. J’ai décidé d’agir autrement pour l’avènement d’une société gabonaise démocratique. D’autant qu’au Gabon, les partis politiques classiques, — loin de moi l’idée de nier leur importance —, ont montré leurs limites et que le monde regarde aujourd’hui avec une certaine bienveillance l’éclosion de nouveaux acteurs alternatifs qui participent à la vie publique.
Comment jugez-vous la situation des droits de l’Homme au Gabon ?
Très mauvaise, voire tragique.
Selon un sondage de l’institut Gallup, 61 % des Gabonais ne font pas confiance à leurs forces de sécurité et à leur système judiciaire. Comment expliquez-vous cela ?
Les Gabonais sont convaincus que l’insécurité est entretenue par les forces de défense et de sécurité. Ces forces devraient en principe assurer la sécurité des populations en les protégeant contre le crime organisé. Mais étrangement, il est fréquent que ce soient ces forces de sécurité qui reproduisent l’insécurité en s’illustrant par une violence aveugle et gratuite. Elles sont synonymes d’arrestations et de détentions arbitraires, de répressions violentes des manifestations pacifiques, de racket sous le prétexte de contrôle sur les voies publiques. Quant à la justice, elle est, comme dans tous les pays, à l’image du régime politique qui gère la société.
Le Gabon est mal classé dans l’indice de perception de la corruption. Est-ce une défaillance de la justice ou une absence de volonté politique ?
La volonté politique naturellement ! Le régime politique gabonais est fondé sur trois piliers : la confiscation du pouvoir politique depuis plus de 46 ans, l’accaparement des richesses nationales par la minorité dirigeante et l’ethnicisme que je qualifie de cousin de l’apartheid. Or la survivance d’un tel régime pendant aussi longtemps n’est possible que parce que les tenants du pouvoir détournent l’argent public pour nourrir ces piliers qui le fondent. Comment voulez-vous qu’un tel régime combatte la corruption ?
Que pensez-vous des plans stratégiques du gouvernement actuel qui se donne pour objectif de conduire le Gabon vers l’émergence ?
Le pouvoir en place a effectivement conçu un document appelé « Plan stratégique Gabon émergent », décliné en plans opérationnels sectoriels pour la période 2009-2016. L’objectif visé serait de faire du Gabon un pays émergent à l’horizon 2025. Ce qui constituerait un exploit, compte tenu de l’état actuel du pays et quand on connaît les critères internationaux pour qualifier un pays d’émergent.
Un simple regard sur l’avancement de l’exécution des programmes arrêtés dans le cadre de ces plans sectoriels ne peut que laisser sceptique, voire pessimiste quant à l’atteinte des objectifs visés. Sur le plan des infrastructures énergétiques par exemple, à part le barrage du Grand Poubara, dans la province du Haut-Ogooué, qui est en cours de livraison, tous les autres projets annoncés à grand renfort de publicité sont à l’arrêt. C’est le cas notamment de la construction du Barrage FE sur le fleuve Okano, à Mitzic, dans la province du Woleu-Ntem, ou encore celui des chutes de l’Impératrice dans la province de la Ngounié.
Sur le plan des infrastructures scolaires, aucune école n’est sortie de terre depuis 2009. Sur le plan de l’environnement des affaires, le Gabon reste parmi les mauvais élèves du « Doing Business » : la sécurité juridique n’est toujours pas assurée, pas plus que la protection des investissements, l’égalité d’accès aux financements et aux marchés publics, la célérité du traitement des dossiers pour la création des entreprises non plus. A cela s’ajoute le fait que l’entrepreneur d’origine gabonaise est écarté de l’attribution des marchés dans son propre pays.
Pensez-vous qu’une femme puisse, dans un avenir proche, diriger un pays d’Afrique centrale, le Gabon notamment ?
Oui ! Quelle différence faites-vous entre un homme et une femme dès lors qu’il ou elle a les capacités requises pour diriger un pays ? Dans le cas du Gabon, on ne peut pas dire que les hommes aient été à la hauteur. D’ailleurs on a déjà eu une femme chef de l’Etat… par intérim !
Serez-vous candidate à la présidentielle de 2016 ?
Je ne m’interdis rien.
(*) Publiez ce que vous payez (PCQVP) est une organisation mondiale de la société civile qui a pour principal objectif d’amener les compagnies extractives (pétrole, gaz, ressources minières) à publier, de façon systématique et transparente, le montant des taxes et redevances de toute nature qu’elles versent aux Etats des pays dans lesquels elles sont présentes.
Propos recueillis par GASPARD CHENU
© Notre Afrik N°40, Janvier 2014
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