NotreAfrik – Moi, ancien président de la République des Miracles!

Moi, ancien président de la République des Miracles!

Mai 09, 2014 BLOG 0

Au bout de 40 ans d’un pouvoir absolu, ancien président à vie d’un pays nommé République des Miracles en dépit du bon sens, j’entreprendrai à ma retraite l’écriture d’un livre, que dis-je, d’un manuel. Il aura pour titre : Ce que je n’ai pas réussi durant ma mandature – Comment et pourquoi ? Un manuel à l’usage des futurs candidats à la présidence. Je dirai comment j’ai affamé mon peuple en bradant toute l’économie et les richesses du pays à des sociétés étrangères au destin des habitants de la République des Miracles. J’expliquerai comment j’ai privé mon peuple des libertés fondamentales, comme avoir accès à des soins médicaux, à une éducation de qualité et à un logement décent.

Je dirai aussi, comment j’ai ôté à ce même peuple une liberté de parole qui m’aurait certainement évité de commettre tant de bévues. Je compterai le nombre de mes concitoyens morts par ma faute et je ferai acte de contrition. Cela expliquera comment j’ai transformé chaque rue en dépotoir, faisant reculer mon pays dans une sorte de no man’s land, un pays où le développement apparaît depuis des décennies comme une utopie. Cela expliquera aussi les droits de l’Homme inexistants, la liberté d’expression enterrée et la démocratie travestie. Ainsi, cet ouvrage sera à la fois mon autocritique, mon testament et un manuel pédagogique.

Je prendrai par la même occasion l’engagement de ne plus jamais dire que la vé- rité, révélant de quelle manière j’ai initié les guerres civiles qui auront décimé des familles entières.

Moi, Caya Makhélé, ancien président d’un pays précaire si mal nommé « République des Miracles », n’ayant guère véritablement connu ni mon pays ni mon peuple dans sa diversité, je partirai sur les routes du nord au sud, de l’est à l’ouest, avec pour seul bagage mon carnet de notes. Et de ville en ville, de village en village, j’irai loger chez l’habitant, me nourrirai comme eux, loin des mets venus de France qui faisaient la joie de mes dents carnivores, et me mettrai à leur service pour un jour ou deux afin d’expier mes fautes.

Au retour de ce périple, je créerai avec mes « biens mal acquis », en milliards détour- nés et placés dans des paradis fiscaux, une fondation qui aura pour mission de pour- voir aux demandes d’investissements économiques et culturels des populations du pays des Miracles. Je bâtirai, égale- ment, un institut de formation pour les futurs candidats à mon ancien poste. Ils y apprendront à ne pas commettre les mêmes erreurs que moi, ils y appren- dront à diriger un gouvernement, à respecter la Constitution, à ne pas tromper leur conjointe, à aimer leur peuple, à vouloir véritablement son bonheur et à accepter les critiques. J’initierai un quotidien qui aura pour ligne éditoriale la mise sur la place publique des contrats iniques bra- dant les richesses naturelles du pays, et des dossiers des fortunes cachées des caciques du pouvoir. Ceux-là mêmes qui m’avaient, grâce à mon aveuglement, entraîné dans la gabegie et le détournement systématique des biens de l’État, me faisant accepter l’idée que le peuple était à mon service, et que l’État c’était moi, et personne d’autre.

Moi, Caya Makhélé, ancien président d’un pays à l’indépendance fragile et à la xénophobie prolixe, je retrouverai la fibre panafricaniste qui sommeillait en moi. Ainsi réveillée, elle me mènerait dans les pays voisins pour leur dire mon égare- ment de les avoir stigmatisés, maltraités et spoliés, en rejetant toutes les erreurs de ma mauvaise gouvernance sur le seul fait de leur présence sur le territoire de la République des Miracles.

Hélas, vous vous doutez bien que mes engagements de repentance et de réparation sont de l’ordre du miracle !

Par Caya Makhélé

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