Après bientôt deux ans de pouvoir, le président sénégalais peine à trouver un rythme et à imposer un style. 2013 aura été une année difficile.
En août dernier, le président Macky Sall attribuait les problèmes de son gouvernement à la communication : « C’est là où nous péchons. » Sans y être obligé par le résultat d’élections, il limoge le Premier ministre, le banquier Abdoul Mbaye, remanie le tiers du gouvernement et tout son cabinet présidentiel. Nommée chef du gouvernement en septembre dernier, Aminata Touré se donne pour objectif « d’accélérer la cadence ». Aussitôt, les deux têtes de l’exécutif affrontent une grave crise, avec la pénurie d’eau potable qui frappe deux millions de Dakarois durant trois semaines. En octobre, c’est au tour du symbolique marché Sandaga, édifice classé patrimoine historique, de brûler dans un incendie ravageur. En novembre, dans le rapport Doing business 2014 de la Banque mondiale, le Sénégal perd 14 places, au grand « regret » du Président.
Devant les aléas d’une actualité défavorable, le président sénégalais tente de frapper les esprits par des opérations d’image. Habillé de pied en cap d’un treillis militaire, Macky Sall inspecte les travaux sur le site du tuyau défectueux ayant occasionné la plus longue pénurie d’eau courante de Dakar. Pour la Tabaski, il marchande son mouton dans un foirail, sous l’œil des caméras. Des « coups de com », qui tranchent d’avec l’image d’homme d’Etat austère qu’il a vendue aux Sénégalais ces dernières années. Sa marque de fabrique jusqu’ici. L’ancien ministre de l’Economie et des Finances, Moussa Touré, dénonce « une communication désastreuse et contre-productive ». Les jeunes de l’emblématique mouvement « Y en a marre », fer de lance du combat contre la réélection d’Abdoulaye Wade, se sont mués en critiques du chef de l’Etat.
Après avoir menacé l’opposition d’un « cessez de provoquer un lion qui dort, au risque d’y laisser des plumes », Macky Sall appelle pourtant désormais ses opposants à un « dialogue constructif ». Les élections locales, prévue en mars 2014, ont été décalées de trois mois. Cet intervalle permettra de finaliser l’« Acte III » de la loi de décentralisation, qui doit transformer les communautés rurales en communes, rationaliser le découpage des collectivités locales et renforcer leurs prérogatives de perception d’impôts locaux. A Dakar (30 % de la population sénégalaise), le parti de Macky Sall aura toutefois fort à faire pour contester la suprématie du maire socialiste Khalifa Ababacar Sall, résolument en phase avec les attentes des classes moyennes dakaroises dans son combat pour désengorger la capitale.
CAILLOU – Au plan politique, le régime de Macky Sall évite désormais de mettre en exergue la traque des biens mal acquis, qui fut son leitmotiv durant la première année de mandat. Emprisonné pour biens présumés mal acquis, Karim Wade est aujourd’hui un caillou dans la chaussure présidentielle. Depuis son incarcération, en avril dernier, l’ex-super ministre bénéficie d’un regain de popularité et d’un mouvement de soutien dans l’opinion. Marches de protestations à la clé, les barons du PDS (Parti démocratique sénégalais), devant leur trop-plein de leaders, en font leur champion prématuré pour la présidentielle de 2017. Les plus hauts dignitaires des puissantes confréries mourides et tidianes lui ont publiquement manifesté leur soutien.
En nommant comme ministre de la Justice le droit-de-l’hommiste Sidiki Kaba, ex-défenseur des familles de victimes tchadiennes, Macky Sall a réduit le bénéfice politique qu’il pourrait retirer d’un règlement serein de l’affaire Habré. A sa nomination, Kaba a manqué d’impartialité, qualifiant l’ex-autocrate de Ndjaména de « bourreau ».
La majorité présidentielle est aussi menacée de cacophonie. Le réseau des enseignants, affilié au parti du présidentiel, réclame le départ du ministre socialiste de l’Education, Serigne Mbaye Thiam, pourtant un allié. Celui de la Fonction publique, issu du PIT (Parti de l’indépendance et du travail), parti allié, est également contesté. Le divorce d’avec le Rewmi d’Idrissa Seck, qui a quitté la majorité, mi-septembre, crée enfin une situation singulière à l’Assemblée nationale. Les députés de Rewmi, parce qu’ils sont élus sur la liste d’une coalition de partis et non d’un parti, ne peuvent être renvoyés de l’Assemblée nationale comme le stipule la loi, malgré leur défection. Le président du groupe parlementaire de la majorité a tenté de l’imposer, en vain. Macky Sall a aussi préféré maintenir le mandat du président de l’Assemblée nationale à un an reconductible. Initialement fixée à cinq ans lorsque Macky Sall était lui-même au Perchoir, l’ancien président Abdoulaye Wade a subitement ramené, en 2008, la durée du mandat du président de l’Assemblée nationale à un an pour des raisons politiciennes.
REALISATIONS – Toutefois, la sortie de plusieurs formations politiques de la coalition présidentielle Benno Bokk Yaakar (dont le mouvement du ministre-conseiller Youssou Ndour) pourrait donner les coudées franches au Président Sall pour construire une majorité plus homogène. « On a comme l’impression que les choses ne bougent pas à la vitesse souhaitée par les Sénégalais. J’impute cette situation à la coalition Bennoo Bokk Yaakar qui a atteint ses limites objectives », prévient Abdoulaye Diop, membre du parti du président.
Au plan économique, il est prévu de poursuivre les travaux de l’autoroute à péage et de l’aéroport de Diass. Il y a également la construction d’un centre de conférence à Diamniadio (36 kilomètres au nord de Dakar) où un nouveau pôle urbain sera développé, notamment pour accueillir le sommet de la Francophonie en novembre 2014. Les projets structurants de création d’emploi et de soutien aux PME-PMI, Fonds souverain d’investissements stratégiques, Fonds de garantie des investissements prioritaires, Agence d’assistance à la sécurité de proximité ont été lancés.
Au plan social, le Président Sall a initié, début octobre, le programme de bourses de sécurité familiale de 100 000 F CFA par an, qui cible 50 000 familles cette année et touchera 250 000 foyers à partir de l’année prochaine. Des réponses concrètes, pour les Sénégalais qui ont soif d’embellie économique tangible et besoin de filets de protection sociale.
Le président Sall bénéficie aussi d’une vraie stature internationale, comme l’atteste la visite au Sénégal de Barack Obama en juin dernier. Sans compter qu’en sa qualité de président du comité d’orientation du Nepad, il est habilité à porter la voix du continent.
© Notre Afrik N°39, Décembre 2013, De notre correspondant, Ousseynou Nar Gueye
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