Déc 14, 2016 FACON DE VOIR 0
Le mois d’octobre dernier a vu la fronde des États africains contre la Cour pénale internationale (CPI) franchir un cap inédit, avec le retrait annoncé de trois d’entre eux, le Burundi, la Gambie et l’Afrique du Sud. Si les dirigeants des deux premiers redoutent des poursuites de la Cour, accusée d’impartialité et de chasse raciale, l’exécutif sud-africain considère pour sa part que son adhésion au traité de Rome, fondateur de la CPI, est désormais en contradiction avec ses engagements en termes d’immunité diplomatique.
On se souvient en effet qu’en 2015, hôte d’un sommet de l’Union africaine, Pretoria avait essuyé de vives critiques de l’opposition et de la société civile, pour avoir accueilli le président soudanais Omar Al-Bachir sans exécuter les mandats d’arrêt émis par la CPI en 2009 et 2010 contre ce dernier, pour génocide et crimes contre l’humanité au Darfour.
Peu importe l’authenticité des motivations qui les sous-tendent, l’annonce de ces retraits successifs, auxquels il faut ajouter celui de la Russie, brise un tabou et pourrait ainsi en entraîner d’autres. Une inquiétude prise au sérieux par la CPI qui s’est empressée de tendre la main aux États africains tentés de suivre les autres, les invitant à un dialogue en vue de répondre à leurs préoccupations et dissiper leurs appréhensions. Mais l’exercice en vaut-il la peine ? C’est toute la question de la crédibilité, voire de l’opportunité même de la CPI, du moins en son état actuel, qui est aujourd’hui remise à l’ordre du jour, avec une pression inédite des États africains. N’est-il pas temps pour eux de se retirer massivement de cette institution dont le bien-fondé est plus que jamais douteux ?
Les avis divergent sur la question, car il y en a qui croient encore que la CPI est la seule institution capable de protéger les victimes africaines contre leurs bourreaux, et notamment leurs dirigeants qui se maintiennent au pouvoir au prix de nombreuses vies humaines. Il est toutefois difficile d’étayer cette croyance au regard du fonctionnement et du bilan de cette Cour. Politiquement limitée, économiquement dépendante et pratiquement dépourvue de moyens lui permettant de mener à bien ses enquêtes et de faire exécuter ses décisions, il lui a fallu dix années pour prononcer son premier jugement, de surcroît contre un responsable de second rang, le Congolais Thomas Lubanga.
Un bilan qui achève de convaincre tant de l’inefficacité que de l’inopportunité des juridictions pénales internationales dans la gestion des crimes de masse, aussi bien en amont qu’en aval. Si la CPI a jadis servi d’instrument à certains dirigeants africains pour écarter leurs opposants, ces derniers n’y voient désormais plus qu’une menace, notamment depuis les poursuites engagées contre leurs pairs soudanais et kényan. Et quant aux peuples africains, ils ne sauraient s’en remettre, pour leur protection contre les crimes de masse, à une institution aussi peu indiquée, au regard de son fonctionnement et de son bilan.
De surcroit, l’expérience montre à suffisance que les crimes de masse sont de la catégorie de ces crimes qu’on ne peut à proprement parler ni juger ni punir. S’il a fallu dix années d’enquête et des moyens financiers conséquents pour juger un seul prévenu, combien en faudra-t-il pour juger les milliers de soldats et autres miliciens impliqués dans les crimes de masse à travers le monde ? Comment envisager les réparations et proportionner les peines pour des crimes qui sont sans mesure ?
En réalité, c’est à prévenir ces crimes de masse que l’on doit s’atteler. Et en cela, aucune cour criminelle ni personne d’autre ne pourra se substituer aux Africains eux-mêmes. Il leur incombe de se mobiliser tous azimuts pour qu’émerge et se sédimente sur le continent une conscience aigüe du respect de la personne humaine et de ses droits. C’est à l’aune de cette conscience que s’affermira et se développera le rôle de la Cour africaine des droits de l’Homme, plus indiquée pour prévenir les crimes de masse, dans un contexte marqué par une conscience aigüe et partagée du respect d’autrui et de ses droits.
N’est-ce pas pour être parvenu à développer, au plan interne, une telle conscience que les Européens peuvent aujourd’hui « se contenter » d’une Cour européenne des droits de l’Homme, et les Américains, d’une Cour interaméricaine des droits de l’Homme ?
© Notre Afrik N°70, Novembre-Décembre 2016
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