Jan 15, 2016 FACON DE VOIR 0
« Depuis l’indépendance, l’Afrique travaille à sa recolonisation. Du moins si c’était le but, elle ne s’y prendrait pas autrement. Seulement, même en cela, le continent échoue. Plus personne n’est preneur », écrit Stephen Smith dans Négrologie.Ignorance criarde, déni de réalité ou plutôt aveuglante condescendance, difficile en effet de trouver le registre dans lequel classer ces propos de Stephen Smith, tant la ruée vers l’Afrique est aujourd’hui manifeste. Aucune grande puissance économique ou émergente n’est en reste. Au premier rang la Chine, plus que preneuse de l’Afrique, moins sur le plan humain où le mélange Noir-Jaune tarde à prendre, que sur le plan des ressources naturelles et des affaires. Jour après jour en effet, de pactes d’amitié en contrats d’exploitation, en passant par des accords de coopération et des prêts sans intérêts, la Chine n’arrête pas de devancer ses concurrents sur le continent. En témoigne, s’il en est encore besoin, le sommet sino-africain des 4 et 5 décembre derniers à Johannesburg, avec l’annonce phare d’une aide de 60 milliards de dollars sous forme de prêts destinés à financer le développement de l’Afrique.
Résolument, pour bon nombre de dirigeants africains, la relation Chine-Afrique apparaît aujourd’hui comme le nouvel espoir de rédemption du continent. L’empire du Milieu, c’est du concret et du quasi-immédiat, sans condescendance, dans le respect mutuel, la confiance, la neutralité politique et rien que les affaires, des prix manufacturés à bas coûts, etc. C’est aussi et surtout l’accès à des financements importants, que ne garantissent pas les emprunts concessionnaires, en vue des grands investissements dont a besoin l’Afrique pour booster son développement. Bref, la Chine-Afrique, c’est le modèle-type de partenariat gagnant-gagnant !
Mais cet engouement pour la Chine-Afrique est désormais loin de faire l’unanimité. D’aucuns y voient plutôt, à tort ou à raison, les prémisses d’une Chinafric, en écho à la Françafric, et surtout une reproduction suicidaire des termes de la relation coloniale (matières premières contre produits manufacturés). La diplomatie du chéquier ou l’apparente générosité de Pékin ne serait, de ce point de vue, que la mise en œuvre d’une stratégie prédatrice qu’elle tient de Sun Tsu : « Pour battre ton ennemi, il faut d’abord le soutenir pour qu’il relâche sa vigilance ; pour prendre, il faut d’abord donner. »
Il est vrai qu’aujourd’hui la relation sino-africaine ne va pas sans questions et préoccupations. L’exportation sans transformation locale des matières premières constitue une grosse perte pour l’Afrique. Mais pour y remédier structurellement, elle devrait investir dans les formations appropriées, l’énergie en vue de l’industrialisation, et imposer des transferts de technologie dans les packages signés avec Pékin, tant pour ce qui est de l’exploration que de la transformation des ressources naturelles. Autre source de préoccupation, la protection des entreprises locales et des travailleurs contre l’imbattable concurrence chinoise. « Des médecins et cadres chinois, oui ! Mais des vendeurs de beignets et des prostituées, non ! » Tout ou presque est dit dans cette phrase du citoyen lambda, en vue de nous épargner plus qu’une « guerre du beignet », hautement plus explosive.
On n’insistera pas sur la vigilance environnementale, qui est d’actualité, ni sur le piège tant décrié de l’endettement facile dans la relation sino-africaine. Il importe toutefois d’insister sur la bonne gestion des sommes empruntées, afin qu’elles… n’empruntent pas les voies obscures des mallettes d’argent qui ont fait et continuent probablement de faire les heures de gloire de la Françafric. Sur ce plan, l’Afrique a et est déjà assez servie, elle n’en demande pas davantage.
Enfin, que dire de la neutralité politique, un des piliers majeurs de la Chine-Afrique ? Le fait est que le déploiement chinois en Afrique a relancé de manière féroce la guerre entre puissances économiques en vue de faire main basse sur nos ressources. Conséquence, plusieurs Etats africains ont été déstabilisés ou sont régulièrement menacés de l’être, en raison des concessions faites (ou à faire) à la Chine, et ce généralement dans l’indifférence de Pékin. Cela est simplement inacceptable. Et si rien n’y est fait, le mariage sino-africain pourrait vite se muer en liaison dangereuse, parce que devenue une source de déstabilisation permanente plus qu’un facteur d’émancipation économique. A l’Afrique donc de savoir jouer sa partition chinoise…
Par Emmanuel Babissagana
© Notre Afrik N°62, Janvier 2016
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