Mai 09, 2014 FACON DE VOIR 0
Il faut une foi inébranlable dans les pouvoirs de ces passants mystérieux de l’âme que sont les mots (Victor Hugo), pour se pencher à nouveau sur le cas centrafricain, tant l’histoire s’y répète, depuis 60 ans, avec une « tragi-similarité » quasi désespérante. En effet, de David Dacko, le premier président, à Michel Djotodia, évincé le 10 janvier dernier par ses pairs de la Cemac (Communauté économique et monétaire des Etats de l’Afrique centrale), la situation sociopolitique de la République centrafricaine (RCA) a invariablement alterné entre putschs, mauvais accords de paix et nouveaux putschs, mettant ainsi en exergue le syndrome de Marcousis que nous décrivions à cette même tribune il y a quelques mois.
Tout ou presque a été dit à ce propos. L’indépendance centrafricaine, plus encore que les autres, est ainsi ré- putée être une énorme farce. La puissance coloniale, la France, n’ayant jamais cessé de considérer ce pays comme sa propriété exclusive, d’où elle peut extraire diamant, pétrole et autres ressources sans en référer à quiconque, comme le confessait déjà l’un des anciens présidents de ce pays, Jean-Bedel Bokassa. Et comme en écho à cet aveu, François Bozizé répète aujourd’hui à souhait qu’il a été renversé pour avoir signé des contrats pétroliers avec la Chine. Traduction, toute velléité d’émancipation vis- à-vis de la France est sanctionnée par un coup d’Etat, et ce depuis 1960.
En l’occurrence, Bangui serait en outre victime de la réactivation du pacte néocolonial entre puissances alliées, en vue de contrer l’avancée de la Chine sur le continent. Vrai ou faux ? Début janvier, le président français, François Hollande, affirmait que l’époque où la France faisait et défaisait les présidents en RCA était révolue. Propos qui, au moins, ont le mérite de fonder les accusations qui précèdent.
Ce constat ne saurait toutefois éluder la responsabi- lité première des Centrafricains eux-mêmes, ni celle des Etats africains dont l’implication dans la déstabili- sation de la RCA est depuis longtemps avérée. Car si ailleurs, en Libye et en Côte d’Ivoire notamment, on a vu des soldats français pourchasser et déloger des chefs d’Etat(s) africains, force est de constater que ni Bozizé, ni Djotodia n’ont été directement évincés par la France. Le second l’a été par ses pairs, et le premier, victime des rebelles de la Séléka, un mouvement rebelle hétéroclite dominé par des miliciens islamistes venus du Tchad et du Soudan, lesquels ont porté Djotodia au pouvoir en mars 2013. La question est donc de savoir au nom de quels intérêts, et en vertu de quelle folie les parrains africains de la Séléka ont cru pouvoir imposer un gouverne- ment porté par des islamistes à une population centrafricaine à 80% chrétienne.
L’histoire politique contemporaine (Cf. Libye, Syrie, Irak, etc.) atteste pourtant à suffisance que « les bons isla- mistes » qu’on utilise pour évincer des dirigeants devenus indociles finissent toujours par mener leur propre guerre dans la guerre, échappant de ce fait au contrôle de leurs maîtres. Les parrains régionaux et internatio- naux de la Séléka ne pouvaient l’ignorer. Ils ont pourtant fait le choix inhumain d’ajouter la guerre à la misère, et de provoquer des massacres interconfessionnels et intercommunautaires dont on ne sait ni quand ni com- ment la RCA en sortira. Car ni la Misca (Mission internationale de soutien à la Centrafrique), divisée, ni la force Sangaris déployée par la France, avec quelque 6 000 soldats réunis, ne semblent au- jourd’hui à même d’enrayer le cycle de violences meur- trières qui embrasent ce pays.
Face à un tel chaos, que peut la nouvelle présidente de la transition, Catherine Samba-Panza, élue le 20 janvier der- nier par un Conseil national de transition dépourvu de légitimité, et rejetée par une bonne partie des deux camps rivaux, la Séléka à dominance musulmane d’un côté, et les anti-balaka, essentiellement chrétiens, de l’autre ?
Le cirque politique ayant abouti à son élection prête- rait à rire, s’il n’avait la prétention officielle d’apporter une solution à l’interminable agonie du peuple centrafricain. Aussi nos frères centrafricains doivent-ils enfin comprendre que leur survie comme individus, peuple et Etat dépend de leur capacité à s’unir sans délai autour d’un projet commun de vivre ensemble. C’est à eux de mettre un terme au sinistre bal des sangsues multicolores qui, depuis des décennies, prospèrent sur leurs divisions et leur sang.
Par Emmanuel Babissagana © Notre Afrik n°41, Février 2014.
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