NotreAfrik – Cameroun – Au royaume des illusions

Cameroun – Au royaume des illusions

Juil 26, 2015 DOSSIER, Eglises de réveil 0

Le pays compte des milliers de lieux de culte issus de mouvements évangéliques, pentecôtistes, charismatiques et prophétiques dont les pratiques ne sont pas toujours très… catholiques.

En août 2013, le président du Cameroun, Paul Biya, a tranché dans le vif. Face aux dérives répétées des « Eglises de réveil », plusieurs dizaines d’entre elles ont été fermées. Le ras-le-bol de la plus haute autorité camerounaise traduisait un sentiment général d’insécurité et d’agacement des populations devant la percée spectaculaire de lieux de culte pentecôtistes. La Constitution du Cameroun consacre pourtant la liberté de culte. Rien de plus normal dès lors que les citoyens atteignent le ciel par le chemin qui leur plaît.

Ils sont même nombreux à s’être laissé séduire par les pasteurs pentecôtistes. Surfant sur la pauvreté ambiante et sur l’absence de perspectives d’un changement de situation, ces prêcheurs attirent des foules. Pour la seule ville de Yaoundé, la capitale du Cameroun, on compte plus de 500 églises. La plupart sont clandestines. A Douala, la capitale économique, on en compte tout autant, voire plus. A Bafoussam, Bamenda, Buea, les « Eglises de réveil » ne manquent pas.

Mais qu’est-ce qui attirent tant de monde vers ces églises ? « Ici je retrouve un réel réconfort. Nous nous sentons en famille. Nous avons surtout le sentiment que quelqu’un nous écoute. Notre pasteur nous considère comme ses enfants et nous soulage vraiment », déclare Florence Ndobo, qui fréquente l’Eglise Va et Raconte, dirigée par le pasteur Tsala Essomba.

Ce discours est repris par des fidèles d’autres « chapelles ». Signe que les « ouailles » y trouvent leur compte ? Apparemment seulement, car le revers de la médaille est moins reluisant. Escroquerie en tous genres, travail forcé, sévices corporels et sexuels, séquestration, spoliation de biens… le chapelet des plaintes contre des promoteurs de mouvements religieux pentecôtistes est impressionnant. « Ma femme m’a quitté après avoir intégré une « Eglise de réveil ». Elle a été complètement envoûtée par son pasteur. Un jour elle a quitté la maison après avoir raflé nos économies pour en faire don à son Eglise et confier, disait-elle, sa vie à Dieu », explique Lucas M.

Exorcisme

Pis, on accuse certains pasteurs de pratiques d’exorcisme. Et à maintes reprises au cours de telles pratiques, on a enregistré des morts. Malgré tout, les fidèles sont toujours aussi nombreux. Il faut bien croire que les pasteurs fascinent. Au Cameroun, certains comme le pasteur Tsala Essomba sont devenus de vraies stars. Ce prêcheur serait à la tête d’une fortune colossale constituée sur le dos des fidèles qui versent toutes sortes de contributions. Le pasteur met notamment en vente, au sein de son Eglise, une eau « miraculeuse » qui soulagerait les fidèles de plusieurs maux et qui s’arrache comme des petits pains. Ainsi, dans un îlot d’indigence, le bon pasteur roule carrosse.

Un autre pasteur, Dieunedort Kamdem, est incontournable dans le paysage camerounais. Il administre la Cathédrale de la Foi. Le « Général de Dieu » est un être pittoresque, fort en thèmes qui gère une véritable entreprise. Il est à la tête d’un groupe de médias (Kanodi TV et Dunamis FM). Il est en outre le doyen de la Faith Bible Institute, un établissement qui forme des missionnaires. Habitué des plateaux de télévision, il clame à l’envi que « Dieu n’aime pas la pauvreté ». Lui en tout cas soigne son image. Et il n’est pas le seul. La plupart des prêcheurs accordent une importance particulière à leur image. Vêtements, voitures, maisons, etc., sont choisis avec le plus grand soin. Pour consolider leur crédibilité, les pasteurs s’improvisent bâtisseurs et investissent des sommes importantes (versées par les fidèles) pour multiplier des acquisitions immobilières ou construire des temples. Mais tout autour d’eux, la misère guette et le salut n’est pas garanti !

Par Georges Auréole Bamba

(C) Notre Afrik n°55, Mai 2015.