Méconnue par les opinions publiques de ses pays membres, la Banque de développement des Etats de l’Afrique centrale, née en 1975, n’a pas encore fait l’unanimité, ni parmi ses partenaires ni parmi les bénéficiaires de son action. Depuis quelque temps, la direction actuelle tente, tant bien que mal, de mettre l’institution sur orbite…
A Brazzaville, siège de la Banque de développement des Etats de l’Afrique centrale (BDEAC), les habitants de la capitale congolaise ignorent tout de cette institution. Même lorsqu’on se rapproche de l’élite administrative ou intellectuelle et des milieux d’affaires locaux, la BDEAC ne jouit pas d’une plus grande notoriété. Très souvent, la plupart des interlocuteurs ont même tendance à se référer à la Banque des Etats de l’Afrique centrale (BEAC) dont le siège est à Yaoundé, au Cameroun, et qui dispose d’une direction nationale dans chacun des pays membres.
De prime abord, ce tableau peut paraître anecdotique, mais il traduit la situation réelle dans laquelle se trouve aujourd’hui encore la BDEAC. Elle est méconnue. Pourtant, l’institution créée le 3 décembre 1975 pour apporter un soutien financier conséquent aux économies des pays de l’Afrique centrale — ses activités n’ont effectivement démarré qu’en 1977 — fêtera ses quarante ans en décembre 2015.
A sa création, la banque devait être un catalyseur du développement des pays de l’Afrique centrale, et ses missions essentielles se résumaient autour de trois axes. Primo, promouvoir le développement économique et social des pays de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac), à travers le financement des investissements nationaux, multinationaux et ceux concourant à l’intégration économique. Secundo, apporter un concours aux Etats, aux organisations sous-régionales, aux institutions financières et aux opérateurs économiques dans les mobilisations de ressources financières et le financement des projets. Tertio, appuyer les Etats et les acteurs économiques (organisations sous-régionales, opérateurs) dans le financement des études de faisabilité des programmes et projets.
IMPACT MITIGE – Près de quarante ans après sa création, ces missions ont-elles été remplies ? La circonspection est de rigueur. Toujours est-il que l’institution se félicite de son apport dans des centaines de projets. Et les sommes investies s’évaluent en milliers de milliards de francs CFA. Conformément à sa feuille de route, l’intervention de la BDEAC concerne des secteurs aussi variés que les infrastructures, l’agriculture, l’élevage, la pêche, l’immobilier, l’éducation, la santé, les technologies de l’information et de la communication, etc. Ces interventions se traduisent en prêts directs à moyen et à long terme, en leasing, avals et cautions, refinancement des banques locales et des établissements de microfinance.
Selon Michaël Adandé, le président de la BDEAC depuis 2010, « les résultats de la banque s’orientent favorablement. De janvier 2011 à juin 2013, les engagements portés par la BDEAC s’élèvent à 436 milliards de francs CFA, comparés à 146 milliards de francs CFA de 2003 à 2010 ». Mais il semble bien que jusqu’ici, cette action ne jouisse pas de sa juste reconnaissance. Davantage, la banque, a contrario, a parfois cristallisé des critiques, notamment dans la presse.
Au cours des dernières années, des luttes d’influence politique au sein de la Cemac ont régulièrement plombé l’action des institutions communautaires dont la BDEAC. Par ailleurs, en son sein, elle a traversé des zones de turbulences du fait de dysfonctionnements dans sa gouvernance. Cette conjonction des faits est l’une des raisons du crédit a minima dont jouit l’institution. D’où l’appel de Michaël Adandé à plus d’indulgence. « La BDEAC se porte bien et elle se portera de mieux en mieux. Dans la vie de toute institution, il y a des périodes difficiles et il faut à ces occasions là, prendre des initiatives, des mesures qui s’imposent pour passer les crises et renforcer ses capacités», laissait-il entendre récemment.
Il n’est pas question de baisser les bras. La banque a entrepris de profondes réformes depuis quelques années pour améliorer sa gouvernance. Il y a quelques semaines son président l’a encore rappelé aux administrateurs lors du dernier conseil d’administration de l’année 2013. Ces réformes portent notamment sur les procédures de passation des marchés, la gestion des risques bancaires, les réformes comptables. Pour ce faire, la banque aura besoin de se renflouer. D’une façon générale, il est question de hisser la BDEAC dans la modernité et d’en faire une structure performante.
Son plan stratégique 2013-2017, adopté en avril 2013, a l’ambition de faire de la BDEAC un instrument de financement de référence. Mieux, de contribuer au développement économique et social de la Cemac. Les hypothèses retenues dans le plan ont permis de fixer le niveau d’engagements sur la période 2013-2017 à 950 milliards de francs CFA. Dans ce cadre, les stratégies opérationnelles, sectorielles, organisationnelles et financières devant permettre l’atteinte des objectifs ont été clairement identifiées. Par ailleurs, pour ce qui est de la stratégie financière, elle vise une augmentation substantielle du capital social de l’institution qui devrait passer de 250 milliards à 1200 milliards de francs CFA.
SURVEILLANCE – Toujours est-il que les nouvelles ambitions de la BDEAC sont bien encadrées par ses différents partenaires. C’est le cas notamment de la Banque mondiale qui, comme par hasard, a élu domicile depuis quelque temps à l’immeuble siège de l’institution. Cette proximité géographique est à l’évidence fortuite, mais constante. Depuis quelques années, la BDEAC est quasiment sous surveillance permanente de la Banque mondiale. L’institution de Bretton Woods insiste sur un retour à l’orthodoxie dans la gouvernance et à une meilleure identification des priorités pour l’intervention de la banque. S’agit-il d’une situation grave ? D’un désaveu de la gestion actuelle ?
Pour le patron de la BDEAC, il n’y a rien d’anormal. « Nos rapports sont bons avec la Banque mondiale, la Banque africaine de développement, l’Agence française de développement, etc. Du reste, la BDEAC cofinance systématiquement les projets d’investissement pour permettre une synergie, un partage du risque, un partage de la connaissance, parce que chaque institution a un avantage comparatif », nous a–t-il confié il y a quelques mois. Et cette vision n’a visiblement pas changé.
Au-delà de toutes les déclarations de bonnes intentions, le principal chantier de la BDEAC, qui est celui de l’intégration régionale, est en panne. La plupart des Etats membres ont certes inscrit dans leur agenda d’atteindre l’émergence d’ici 2035 pour les moins optimistes. Mais les actions devant placer l’économie sous-régionale dans cette dynamique tardent encore à se manifester. D’où le vœu de Michaël Adandé de séduire les opérateurs économiques afin qu’ils sachent que la BDEAC est à leur disposition pour les accompagner dans leurs projets.
Mais tout cela nécessite des ressources. L’institution vise ainsi le renforcement de ses interventions sur le marché sous-régional. Par ailleurs, en plus des efforts de la sous-région, la banque se déploie pour drainer le maximum de ressources financières externes vers la sous-région.
Par SIMON ETOUNDI, envoyé spécial à Brazzaville
© Notre Afrik n°40, Janvier 2014.
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