Outil de développement ou instrument d’asservissement ? Depuis des années, le franc CFA suscite le débat. Mais le statu quo demeure.
En ce début du mois d’octobre, les ministres des Finances de la Zone franc ont rendez-vous dans le cadre de leurs rencontres semestrielles. Ces réunions ont traditionnellement lieu peu avant celles du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale, alternativement en Afrique (réunions de printemps) et à Paris (assemblées annuelles). C’est l’occasion de faire le point de la coopération monétaire entre la France et 14 pays africains qui utilisent le franc CFA.
A coup sûr, le débat sur l’avenir du franc CFA s’invitera au menu. En effet, au cours des dernières semaines, à maintes occasions, des acteurs économiques, des politiques et des universitaires ont remis au goût du jour une question qui se pose depuis toujours : quel est l’avenir du franc CFA ? Avec, en trame de fond, la problématique de la souveraineté monétaire en Afrique en rapport avec le franc CFA.
Cette monnaie est utilisée par 14 pays d’Afrique francophone (Afrique centrale et de l’Ouest). Pour être plus précis, le franc CFA est utilisé par huit pays d’Afrique de l’Ouest dans le cadre de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa) — Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée-Bissau, Mali, Niger, Sénégal, Togo —, d’une part, et six pays de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac) — Cameroun, Congo, Centrafrique, Gabon, Guinée équatoriale, Tchad —, d’autre part.
Le vrai point commun à ces deux blocs étant l’arrimage de leur monnaie à l’euro, ainsi que sa parité fixe vis-à-vis de ce même euro. Mais encore l’obligation des pays de ces deux blocs de déposer la moitié de leurs réserves de change au Trésor français où se trouvent les comptes d’opération de la Banque centrale des Etats l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) et de la Banque des Etats de l’Afrique centrale (BEAC).
INTERROGATIONS – Aujourd’hui, selon de nombreux analystes africains et au-delà, il serait plus que temps de revoir ces mécanismes de fonctionnement. Les tenants de cette thèse se recrutent dans tous les milieux. Jusqu’ici, ce sont les universitaires qui ont donné de la voix. Mais de plus en plus, d’autres acteurs s’interrogent sur la situation du franc CFA. Ainsi, le 11 août dernier, à l’occasion de la célébration du 55e anniversaire de l’indépendance de son pays, le président tchadien, Idriss Déby Itno, a brisé un tabou en demandant aux pays africains de quitter la Zone franc CFA pour créer leur propre monnaie unique. Pas moins ! Cette prise de position déroutante dans le microcosme politique francophone d’Afrique a eu le mérite de relancer le débat sur le sujet.
Hasard du calendrier, plusieurs penseurs africains, des universitaires, économistes et politiques français se sont retrouvés à Paris il y a quelques semaines dans le cadre d’un colloque sur l’avenir du franc CFA. Il était question de sensibiliser l’opinion publique africaine et française sur l’état réel de la coopération monétaire entre la France et ses anciennes colonies d’Afrique. Un fonctionnement qui n’a guère évolué et qui doit être repensé.
Pour l’économiste sénégalais Demba Moussa Dembélé, directeur de l’Africaine de recherche et de coopération pour l’appui au développement endogène (Arcade), « si on regarde le mécanisme de fonctionnement de la Zone franc, on se rend compte que rien ne profite aux Africains ». Le franc CFA serait même, selon le Sénégalais, un symbole de la domination de la France sur les 14 pays qui l’utilisent.
L’économiste et ancien ministre togolais de la Prospective et des Politiques publiques, Kako Nubukpo, fait également partie des partisans du renouveau. Il s’interroge pour sa part sur l’utilité du franc CFA. Cette monnaie est-elle au service du développement des populations ? Il en doute et préconise un changement de paradigme.
Concrètement, pour Kako Nubukpo, les réserves de change que déposent les deux Banques centrales, BCEAO (Banque centrale des États d’Afrique de l’Ouest) et BEAC (Banque des États d’Afrique centrale) auprès du Trésor public français pour assurer la parité et la convertibilité du franc CFA avec l’euro posent problème. Cette manne devrait servir à doper la croissance des États africains, notamment en accordant des crédits aux PME. Kako Nubupko met ainsi en relief la réflexion sur le financement de l’émergence des économies africaines par les abondantes réserves de change des États.
REPONSE ? – En attendant une vraie remise en cause du mode de fonctionnement actuel du franc CFA, un signe encourageant est venu récemment de Dakar, au Sénégal. Le Conseil de convergence de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), composé des ministres des Finances et des gouverneurs des Banques centrales a donné son quitus pour la création d’un Institut monétaire de la Cedeao en 2018. Cet institut sera une structure de transition avant la mise en place de la Banque centrale de la communauté. En somme, pour les observateurs, il s’agit d’un pas supplémentaire vers la création d’une monnaie commune.
Du reste, la Cedeao est résolument engagée sur le chemin de l’intégration monétaire et du développement durable de son espace. Cet engagement pourrait servir d’exemple à d’autres regroupements régionaux et singulièrement à la Communauté économique et monétaire d’Afrique centrale (Cemac) où la mise en place de politiques communes semble avoir du mal à se réaliser. Mais au-delà, le vrai nœud du problème réside en la capacité des États souverains à adapter leurs politiques monétaires en fonction de leur situation macroéconomique.
Par GEORGES AURÉAULE BAMBA
© Notre Afrik N°59, Octobre 2015
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